ALLEZ LES BLEU(E)S !

L’an passé, au moment où certains s’égosillaient dans les fans zones ou défilaient sur de grandes avenues, nous avons choisi également de nous rendre à un incontournable rendez-vous avec les bleus, mais plus discret celui-ci.

Le 14 juillet est en effet la meilleure date pour découvrir un longicorne aux élytres gris-bleu de toute beauté : La Rosalie des Alpes (Rosalia alpina), une espèce emblématique de notre faune de coléoptères.
Malgré son nom, l’insecte n’habite pas uniquement les Alpes, on le trouve la moyenne montagne de l’arc alpin jusqu’aux Pyrénées et également dans quelques zones de plaine de la vallée de la Loire jusqu’en Charentes.

Les adultes éclosent en juillet-aout et vivent à peine deux semaines, autant dire qu’il faut bien choisir sa date pour avoir une chance de les rencontrer.
La Rosalie des Alpes est assez rare mais elle peut-être localement abondante à condition d’avoir la chance de se trouver au bon endroit et à la bonne période.
Nous partons donc vers une forêt de l’Allier où l’espèce a été signalée.
En moyenne montagne, les larves se nourrissent principalement de bois mort de hêtre. Dans les zones humides boisées de l’ouest, elles apprécient les vieux frênes têtards.

On pourrait penser que cette couleur gris-bleue lui permet d’être facilement détecté mais il n’en est rien. Elle s’harmonise parfaitement avec les troncs de hêtre taché de lichens, et nos premières prospections autour des troncs, des tas de bois et des vieilles souches dans l’après-midi et la soirée restèrent vaines.
Enfin le lendemain en fin de matinée, nous découvrons une femelle en train de pondre sur un hêtre dont une partie du bois est à nu. L’arbre est encore vivant mais une partie de son écorce a été blessée il y a quelques années. La blessure n’est pas refermée et le bois se dégrade doucement. Cela semble être le type de bois qui convient à notre insecte.

Femelle en train de pondre

Pour découvrir la Rosalie des Alpes, il n’est pas nécessaire de se lever aux aurores. L’espèce apparait au plus tôt vers 10 h mais c’est à midi ou elle est vraiment active. Elle fréquente surtout les troncs ensoleillés mais pas forcément en plein soleil, les adultes se tiennent plutôt latéralement au soleil sur le côté des troncs.
Au fur et à mesure que la température s’élève, ils deviennent plus vifs et réagissent avec nervosité lorsqu’un autre individu passe à proximité. Si c’est un mâle le combat s’engage, le vainqueur allant parfois jusqu’à poursuivre son concurrent jusqu’en haut de l’arbre. Si c’est une femelle un accouplement est tenté. Il peut durer plusieurs heures.

Accouplement

La femelle choisit ensuite le bois qui lui convient. En général du bois fraichement coupé qui n’a pas encore commencé à se décomposer, voire sur des arbres encore sur pied dont une partie est abimée.
Pour pondre la femelle enfonce son oviducte dans une fissure du bois. Lorsqu’elle éclos la larve s’enfonce progressivement dans le bois. Son développement dure de 2 à 3 ans. Elle se rapprochera ensuite de la surface pour permettre à l’insecte parfait d’émerger plus facilement.

Bagarre entre mâles

L’insecte est menacé par le rajeunissement des futaies vieillissantes de hêtres. Une des premières règles pour assurer sa protection dans les forêts exploitées, est d’exporter tous les bois coupés avant le mois de juillet, période d’apparition des adultes. De cette façon les bois où les femelles ont pondu ne sont pas utilisés.
Les seuls tas de bois qui restent sont ceux destinés à fixer l’espèce. Ils sont placés en dehors des chemins pour limiter vols et perturbations.

Un protocole d’étude est en cours de finalisation pour trouver les moyens de protéger l’espèce en créant des zones favorables à son maintien et à son développement. Il est important de trouver un mode de gestion forestière qui permettra de concilier l’intérêt économique de la forêt et le développement du capricorne.

Nous remercions les techniciens de l’Office National des Forêts : Célia, en charge du secteur et Laurent membre de la cellule entomologie, que nous avons accompagnés dans la forêt et qui nous ont informés sur leur travail et du protocole qu’ils mettent en place pour la protection de la Rosalie des Alpes.

La Rosalie des Alpes est protégée à l’échelon national et européen et figure sur la liste rouge. Elle fait l’objet d’une enquête de l’OPIE. Si vous avez la chance de découvrir ce magnifique insecte Vous pouvez le signaler sur : www.insectes.org/enquetes

Écrire commentaire

Commentaires: 5
  • #1

    Thierry (dimanche, 14 juillet 2019 00:03)

    Bonjour Gérard.
    Merci pour cet article qui m'a permis d'en savoir beaucoup plus dur ce bel insecte.
    À bientôt
    Thierry

  • #2

    Didier (dimanche, 14 juillet 2019 00:36)

    Magnifique!...je la chercherais dans 15 jours en Lozère

  • #3

    Jean-Marie (lundi, 15 juillet 2019 21:51)

    Bravo ! Et comme d'habitude des photos très expressives qui permettent de bien identifier la bête pour qui n'y connait pas grand chose...
    Remarquable reportage. Merci. A bientôt.

  • #4

    PASCAL JARIGE (mercredi, 31 juillet 2019 11:16)

    Merci Gérard pour ton article et tes photos toujours aussi belles.
    J'ai eu l'occasion d'observer cette espèce en Slovénie dans une futaie de Hêtres l'année dernière pour la première fois.
    Pascal Jarige

  • #5

    Christian Berquer (dimanche, 15 septembre 2019 16:29)

    Salut Gérard,
    Superbe reportage et magnifiques photos, comme d'hab. !
    Vive l'entomo ! (Et la Nature dans tous les domaines, bien sûr)
    Amitiés
    Christian